3ème, 4ème, adultes, historique, lycée, récit de vie, roman

Une cicatrice comme symbole de la lutte contre l'esclavage

La femme noire qui montra le chemin de la liberté : Harriet Tubman, de Eric Simard

Harriet Tubman, la femme noire qui montra le chemin de la libertéL’histoire de Harriet, esclave, racontée par sa cicatrice.

Harriet est née esclave, en 1822, dans l’Etat du Maryland au nord-est des Etats-Unis. Louée, battue, travaillant dur et sans relâche pour avoir à peine de quoi ne pas mourir de faim, sa vie est misérable. Un jour, alors qu’un esclave prend la fuite, elle reçoit par accident, un poids de balance lancé par le contremaître sur le fuyard. Son crâne fracturée, sa vie ne tient plus qu’à un fil. Pourtant elle survivra et la cicatrice qu’elle gardera sur sa tête sera à la fois ce qui aidera ses poursuivants à l’identifier mais aussi le symbole de son devoir de lutte contre l’esclavage.

Car toute l’originalité de ce récit à la première personne est qu’il est narré à travers la « voix » de cette fameuse cicatrice : « Je suis née d’un choc violent ».

Harriet Tubman a vraiment eu un destin hors du commun : esclave en fuite, elle n’a eu de cesse toutes sa vie de libérer des esclaves en organisant leur évasion par des réseaux clandestins. Elle a intégré le « Comité de vigilance »(groupe de personnes abolitionnistes qui aident les esclaves à s’échapper) et est devenue « conductrice » du « chemin de fer clandestin ». Elle a ainsi sauvé des centaines d’esclaves, puis est devenue infirmière,  éclaireuse, espionne lors de la guerre civile (guerre de Sécession 1861-1865) qui opposait les Etats du sud, partisans de l’esclavage, aux Etats du nord, abolitionnistes. Elle a ensuite fait de sa maison un refuge pour les personnes démunies, a donné des conférences pour revendiquer le droit de vote des citoyennes américaines.

Bref, un destin hors du commun qu’il est intéressant de connaître, de manière très accessible grâce à ce livre.

Un dossier documentaire sur l’esclavage, la guerre de Sécession, Abraham Lincoln, etc. complète très judicieusement l’histoire et apporte un éclairage très intéressant sur le contexte dans lequel elle se situe.

4ème, 5ème, aventure, historique, initiatique, roman

La soeur du pirate rouge

Sorcière blanche, d’Anne-Marie Desplat-Duc

Afficher l'image d'origineNous sommes en 1664. Agathe naît en prison d’une famille noble déchue… Sa vie sera bien misérable jusqu’à son adoption par sa tante et son oncle et son arrivée au château de Kercado. Une enfance enfin paisible, mais c’est sans compter la nouvelle lubie de ses parents : partir  dans les Caraïbes pour s’occuper d’une plantation… avec leurs enfants qu’ils n’avaient pas revu depuis cinq ans…  C’est le début d’un destin hors du commun. Autant son frère Josselin, épris de liberté est ravi de cette aventure, autant Agathe à qui cette vie convenait, a du mal à quitter ses repaires. Mais son destin sera chamboulé lorsqu’elle se découvrira des dons de guérisseuse… Elle n’aura dès lors de cesse d’apprendre le pouvoir des plantes pour guérir son prochain. Afficher l'image d'origine

Si vous avez lu et aimé Pirate rouge du même auteur, ne passez pas à côté de  la lecture de ce roman, qui donne la version par la soeur de Josselin (le Pirate rouge), Agathe, d’une même histoire. Peut-être ont-ils vécu certains moments communs, mais leur histoire est loin d’être identique. Vous aurez donc de nombreuses révélations qui complèteront heureusement et agréablement le premier roman. Peut-être juste que, si Pirate rouge a beaucoup plu aux filles comme aux garçons,  ce nouveau titre Sorcière blanche ravira certainement plutôt les filles…  Plein de rebondissements,  ce roman historique met en scène une héroïne courageuse et libre dans le tourment de son époque. Esclavage, sorcellerie, politique, voyage, Caraïbes, mariage arrangé, pauvreté, piraterie, condition de la femme,  religion, sont parmi les nombreux thèmes abordés dans ce récit.

4ème, 5ème, 6ème, CM2, historique, humour

Une histoire de l'humanité

La chaise, de Grégoire Kocjan

Afficher l'image d'origineDe la préhistoire à la conquête de l’espace, en passant par les pharaons d’Egypte, le pouvoir de la Renaissance, la Révolution et les embouteillages de notre quotidien, vivez l’évolution de l’humanité -en 40 très courtes pages- …  et qui ne tient en fait qu’à une chaise.  Avec une chute digne d’un texte de science-fiction bien ficelé ! Une petite prouesse à mettre en scène avec sa classe, où le texte est à la fois accessible aux jeunes comédiens et intéressant pour un public de tout âge ; et le nombre d’enfants à faire jouer sur scène adaptable en fonction des besoins (de 5 à 30 personnages). Une petite et rare découverte dans le monde des textes théâtraux en collège… Je pense même le proposer pour la liste du rallye-intercollège de 6ème à mes collègues documentalistes. C’est drôle – enfin, on rit jaune parfois- et très bien senti !  Une leçon d’Histoire et de démocratie à la portée de tous. Pour 3€, pas la peine de se priver !

Dans la même collection, Le rêve fou de l’éléphant, de Emmanuel Tredez, raconte l’histoire d’un éléphant dans la savane, qui ouvre une buvette afin de réconcilier, le temps d’un verre, carnivores et herbivores… Mais cela ne lui suffit pas. N’y aurait-il pas un moyen pour  que les carnivores arrêtent  de chasser les herbivores et puissent ainsi continuer leur partie de cartes avec leurs partenaires ? La chaîne alimentaire mise à mal. A jouer avec un groupe de 20 à 30 enfants et des costumes d’animaux.

 

3ème, 4ème, 5ème, 6ème, CM2, documentaire, historique

Portraits de femmes

L’Histoire des femmes célèbres, de Jérôme Maufras

Afficher l'image d'origineCet ouvrage retrace 40 portraits de femmes qui ont su par leur audace, leur détermination, leur courage et leur intelligence marquer leur époque. Dans des domaines aussi différents que la politique, les lettres, l’art, les sciences, ces femmes ont réussi à faire entendre leur voix et mener à bien leur mission dans un milieu souvent hostile.

En deux à quatre pages maximum, l’auteur présente les portraits de femmes retenues par ordre chronologique. Les textes sont accompagnés d’illustrations, de cartes géographiques qui replacent les personnages citées dans leur environnement, d’une petite frise chronologique retracant les faits les plus marquants de leur vie et d’un résumé d’accroche en rouge permettant de situer en quelques mots leur destinée. Le texte en lui-même sait captiver son lecteur par sa forme qui s’apparente beaucoup plus à une histoire racontée qu’à une simple biographie expliquée. Un ouvrage pédagogique de référence, entre récit et documentaire, très accessible, clair, concis et qui sait aller à l’essentiel . Les portraits choisis sont judicieux et variés tant sur les domaines d’action que d’un point de vue chronologique.

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table des matières dressant la liste des personnages cités dans le livre

 

Des petits regrets néanmoins : quelques malheureuses coquilles se sont glissées dans les textes , des illustrations un peu vieillottes qui ne sauront peut-être pas interpeller le jeune lecteur d’aujourd’hui et une fin un peu abrupte… Pour un ouvrage pédagogique destiné à de jeunes lecteurs, il aurait été très intéressant de rajouter  une petite conclusion dressant par exemple un aperçu succinct des évolutions de la société sur les droits des femmes pour clore ce livre.  Un livre néanmoins très intéressant à posséder dans un CDI, car il est une bonne base pour un travail de recherche mais également une bonne approche culturelle à butiner au gré des envies.

5ème, 6ème, album, CM2, conte, philosophie, récit initiatique

La théorie du genre

Sous la peau d’un homme, de Praline Gay-Para et Aurélia Fronty

Ils étaient deux frères : l’aîné avait sept garçons, le plus jeune, sept filles. Lorsqu’ils se croisaient, ils se saluaient ainsi : « Journée de bienfaits, père des sept lumières » disait le plus jeune. « Bonjour, père des sept misères ! »répondait l’aîné. Un jour, pour lui prouver que  la femme est l’égale de l’homme, la fille aînée propose un marché à son oncle : « Si tu veux savoir qui de ton fils ou de moi est la misère, retrouvons-nous demain, ici, à la même heure. Nous partirons de par le monde pendant un an et un jour et celui de nous deux qui reviendra en ayant le mieux tiré profit de son voyage te montrera qui est la vraie misère ! » Ainsi fut dit, ainsi fut fait… Mais pour réussir, la fille aînée se fera tout de même passer pour un garçon !  Elle se rend en effet, « sous la peau d’un homme », chez un prince voisin connu pour sa misogynie.

Servi par des illustrations aux couleurs vives que je trouve pour ma part vraiment très réussies,  ce conte librement adapté d’un conte d’Afrique du Nord, bouscule les idées reçues sur les hommes et les femmes et sur les sentiments amoureux.  Traitant avec finesse de thèmes comme la théorie du genre, l’homosexualité, la condition féminine, les préjugés sexistes et l’égalité des sexes,  cet album nous fait se poser la question suivante : faut-il que la femme montre des compétences généralement attribuées à l’homme (jouer aux échecs, parler politique) pour se faire respecter ? Et l’homme n’a-t-il pas une part de féminin en lui tout comme la femme une part de masculin qu’il serait temps d’accepter comme un fait ?

 

 

3ème, 4ème, adultes, historique, lycée, récit de vie, roman, témoignage

Une voix engagée

La fée de Verdun, de Philippe Nessmann

imageAlors qu’il se promène dans le quartier de Belleville, un jeune étudiant remarque, sur un bâtiment en travaux, une pancarte : Fondation Nelly Martyl… Ce nom lui rappelle quelque chose, mais quoi ? En remontant le fil de ses souvenirs, il se souvient d’une vieille histoire racontée par sa grand-mère lors d’un repas de famille : lorsqu’elle était petite, en 1943, alors qu’elle se promenait dans les rues avec sa mère, elle a découvert, allongée sur le trottoir, une femme ensanglantée : une chanteuse d’opéra, Nelly Martyl… Etait-elle morte ? Blessée ? Que lui était-il arrivé ? Elle ne l’a jamais su. Notre jeune homme décide de mener une enquête dans le passé pour dévoiler la vérité à sa grand-mère. Mais ce n’est pas aussi simple qu’il le pensait… Peu de données sont parvenues jusqu’à nous sur cette chanteuse hors du commun. Il réalise alors un véritable travail d’historien, fouillant archives et documents d’époque pour réhabiliter la mémoire de cette cantatrice humaniste.

Femme courageuse, volontaire, dévouée, qui s’est battue jusqu’au bout pour ce en quoi elle croyait, capable de laisser une carrière prometteuse pour s’engager comme infirmière durant la Première guerre mondiale,  Nelly Martyl a été honorée par quatre Croix de guerre et la Légion d’honneur. Figure méconnue de la guerre de 14, ce destin touche fortement le lecteur. Cette biographie romancée est ponctuée de véritables photos d’archives qui rendent le récit encore plus bouleversant. Un très beau texte qui sort à l’occasion du centenaire de la bataille de Verdun.

Ce roman se lit comme une enquête policère. Le point de départ -la découverte du corps ensanglantée de Nelly dans le caniveau par sa grand-mère- permet au lecteur d’accrocher très rapidement à la lecture. La forme mème du récit dans le récit, écrit à la première personne, avec comme narrateur un jeune garçon de notre temps rend le roman très vivant. Certains chapitres représentent le texte même de la recherche (visuellement représenté par un trait vertical dans la marge extérieure), d’autres des témoignages d’époque, d’autres encore la visite du jeune homme chez sa grand-mère. Ce travail de fourmis de chercheur rappelle aux plus âgés d’entre nous ayant fait de longues études  ces recherches interminables réalisées dans différentes bibliothèques. Le cheminement lui-même est intéressant de mon point de vue de documentaliste : wikipédia n’a pas toujours réponse à tout et recouper ses informations enrichit forcément son travail ! C’est aussi de ce point de vue que je ne recommande pas cette lecture avant, au moins, la 4ème, malgré un âge proposé de lecture de 11 ans  : la construction complexe des récits dans les récits, le développement poussé des étapes de recherche documentaire, la violence du récit parfois, lorsqu’il est question de la guerre, les passages presque pédagogiques de cette guerre qui, de plus, n’est au programme scolaire qu’en 3ème, ne permettraient pas, à mon avis, d’en saisir tout le sens avant cet âge.

Emouvant, bien construit, rythmé, ce livre se lit très facilement et avec beaucoup de plaisir malgré un sujet pas forcément facile à traiter d’un point de vue romanesque. Le parti pris de la recherche et d’insertion de documents d’époque est très original et captivant.

« Très intimidé, je monte le grand escalier intérieur qui conduit au premier étage de la Bibliothèque nationale de France, rue de Richelieu. Je marche sur la pointe des pieds, pour faire le moins de bruit possible. Des centaines de milliers de manuscrits et de livres anciens dorment dans ce temple  de la mémoire. Je ne voudrais pas les réveiller… »

« Nelly cherchant les blessés sous les obus… Voilà pourquoi, à l’été 1914, elle a subitement disparu des pages des journaux : elle a cessé de chanter pour devenir infirmière. Et apparemment, elle s’est montrée très courageuse… Qu’a-t-elle fait pour mériter ces louanges ?  »

« L’amputation en saucisson était une opération de sauvetage d’urgence. Il ne s’agissait pas de réaliser un beau moignon recouvert de chair, mais de trancher net le membre mort, comme on coupe une rondelle de saucisson, afin de stopper le développement de la gangrène ».

« Je dois dire que le gaz moutarde a été l’une des armes les plus perverses jamais inventées […] Les conséquences étaient effroyables : après quelques heures, de douloureuses cloques se formaient sur la peau des victimes. Leurs paupières gonflaient au point de les rendre momentanément aveugles. Des hémorragies se développaient ensuite, qui détruisaient peu à peu les poumons… Fort heureusement, le gaz moutarde n’était pas destiné à tuer, « juste » à terroriser… »