3ème, récit de vie, roman

Ma vengeance sera terrible

La fille seule dans le vestiaire des garçons, d’Hubert Ben Kemoun

Afficher l'image d'origineLorsqu’Enzo vient encore l’embêter à la sortie du collège, alors qu’il la déjà draguée lourdement toute la journée, elle, la petite intello insignifiante de 3ème, Marion n’en peut plus et ne peut s’empêcher de lui donner un coup bien placé qui le laisse plié en deux sur le trottoir… Lui, le petit caïd du collège, la star à qui on ne refuse jamais rien, prend ça pour un ultime affront. Marion commence à avoir peur… Lorqu’en plus elle se rend compte avoir perdu son petit carnet noir où elle écrit ses états d’âme, ses souffrances, les textes de ses chansons et poèmes, elle est persuadée que c’est lui qui le lui a pris. En cherchant à le récupérer, elle a bien l’impression , pourtant, qu’Enzo semble plus doux avec elle…La découverte de ses secrets lui a-t-il permis de lui pardonner, de mieux la comprendre ? Pour lui rendre son carnet, Enzo va lui donner rendez-vous dans un parc. Marion se rend compte alors qu’elle n’est pas insensible à ses charmes et y va en toute confiance … Pourtant…

Tout comme dans La fille quelques heures avant l’impact, la situation familiale de Marion est difficile : son père est parti, les abandonnant, elle, sa mère et son petit frère de 8 ans. Sa relation avec les garçons s’en fait ressentir : elle n’a ni confiance en elle, ni confiance en eux. Ici, la descente aux enfers va commencer avec une vidéo postée sur Youtube. Marion se sent salie, vulnérable, se replie sur elle-même et ne sait pas à qui se confier. Elle prépare une vengeance terrible contre ceux qui ont fait le coup, mais ne se rend pas compte que ses actes vont avoir des conséquences irrémédiables. Ce n’est plus seulement la rage qui va dicter sa vie dorénavant, mais bien la terreur. Une montée en violence qui devient incontrôlable et qui sonne juste. Les personnages sont criants de vérité, dans leurs faiblesses, leurs rancoeurs, leurs haines. Heureusement que le personnage de Barnabé, le petit frère extrêmement attachant de Marion, est là pour nous rappeler qu’un autre monde est possible, avec la candeur de l’enfance et la force de l’amour. Ce texte montre bien comment, lorsque l’on est victime de harcèlement, de violence et que l’on s’enferme dans le silence, l’escalade des faits rend vite les choses incontrôlables et l’issue dramatique. En tant qu’enseignante, je ne peux que profiter de cette chronique pour rappeler à mes élèves que lorsque l’on est victime, il faut parler aux personnes qui nous entourent, faire confiance aux adultes (ici, la situation familiale et le repli de la mère de Marion elle-même dans des relations virtuelles explique bien le silence de Marion qui tente de régler seule les choses). Et les adolescents témoins de harcèlement envers des camarades et qui ne disent rien sont aussi des coupables, coupables de leur silence, de leur acceptation muette. Parler c’est agir pour que le harcèlement s’arrête. Ce texte est aussi un avertissement sur les dangers d’Internet et de l’image non contrôlée. On ne peut pas tout montrer sur internet et divulguer des images sans l’autorisation de la personne concernée peut engendrer un mal profond difficile à concevoir tant que l’on n’a pas été soi-même victime.
Au fil des pages, l’auteur nous emmène où il veut, et souvent où l’on ne s’y attend pas. Ce qui rend le livre très prenant. Et on a vraiment du mal à le lâcher, tant on s’attache aux personnages, aux histoires, et que l’on veut savoir. Dans une telle situation, Marion peut-elle vraiment s’en sortir ?
Je rappelle néanmoins que c’est un livre de littérature de jeunesse, qui s’adresse aux adolescents et qui reste tout à fait adapté à leur âge, malgré la violence latente et quelques moments durs. Le titre laissait d’ailleurs présager encore pire…
En rien didactique, ce texte très fort, incisif, percutant conforte mon opinion sur la qualité de l’écrivain Hubert Ben Kemoun.

Hubert Ben Kemoun sera l’invité du festival du livre jeunesse qui se déroulera du 30 mars au 02 avril à  Cosne-sur-Loire ( la ville la plus proche de notre village, j’espère que je pourrais m’y rendre !)

1257 fois, j’avais l’impression qu’il s’agissait du monde entier ! Je n’ai pas eu le courage d’aller vérifier sur Facebook combien l’avaient partagé. Le monde entier…
Là, à cet instant précis, si j’avais été capable de me lever et de sortir de ma chambre, si j’avais disposé d’une arme, sans la moindre hésitation, en commençant par Valentin et en terminant par Enzo, je serais allée les tuer, tous les quatre.
Mais je suis restée prostrée, incapable et pauvre cloche que j’étais, devant cet ordinateur de malheur qui s’était mis en veille.